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Arrêter la cigarette grâce aux champis ?


Télécharger des torrents de films Disney, des albums de Céline Dion, voler, conduire en excès de vitesse, utiliser des anti-sèches, passer le bac avec ses formules dans sa calculette, tuer la maman de Bambi ; quels rapports ces activités ont-elles avec les drogues psychédéliques ? Réponse : elles sont toutes à ce jour illégales en France, ainsi que dans pas mal d’autres pays.


Illégales oui, mais en ce qui concerne les drogues psychédéliques, peut-être plus pour longtemps. Avant d’être interdites dans nos pays, des substances comme les champignons hallucinogènes, la coca ou l’ayahuasca ont été utilisées pendant des siècles par des cultures diverses dans des pratiques de soin. Et aujourd’hui, ce sont les scientifiques qui s’intéressent de plus en plus sérieusement à leurs propriétés thérapeutiques.





Parmi les objets de ces recherches : la psilocybine. Il s’agit du principe actif de certains champignons hallucinogènes, c’est-à-dire la molécule qui agit sur l’organisme (5-HT2AR pour les intimes !). Elle provoque des hallucinations auditives, visuelles, olfactives ainsi qu’un état euphorique ou extatique. Sa consommation peut faire l’objet d’un bad trip, un mauvais délire où l’angoisse et la peur remplacent toute autre sensation. Néanmoins elle ne provoque pas de dépendance, au sens médical du terme : on n’y devient pas accroc comme à la cigarette ou les autres drogues dures. De plus, sa toxicité pour le corps est faible ce qui rend son usage thérapeutique plus envisageable.

Les recherches se sont centrées sur les effets de la psilocybine pour le sevrage tabagique, la procédure par laquelle la personne n’est plus dépendante au tabac. Après les années 50, de nombreuses études expérimentales ont démontré la toxicité du tabac pour la santé.

Aujourd’hui, de nouvelles lois, comme la loi Evin de 1991, permettent de lutter contre la consommation de tabac. Mais le nombre de consommateurs reste encore élevé. Pour aider les gros consommateurs de tabac à diminuer ou voire même arrêter, il est nécessaire de trouver des moyens d’action rapides et des méthodes efficaces sur le long terme.


Comment une drogue hallucinogène pourrait-elle permettre aux fumeurs de diminuer leurs consommations ?

En 2016, dans une étude publiée dans la revue The American Journal of Drug and Alcohol Abuse, Matthew W. Johnson et ses collaborateurs de l’université de médecine John Hopkins ont évalué les effets à long terme d’un traitement à la psilocybine complémentaire à une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), dans le cadre d’un sevrage tabagique. La TCC est une thérapie non médicamenteuse centrée sur le présent, qui cherche à comprendre comment les pensées, les émotions et les comportements du patient jouent ensemble pour maintenir une dynamique négative. Elle procède ensuite en expérimentant de nouveaux comportements, afin d’apprendre à réduire les comportements inadaptés et de remettre en cause certaines croyances ou pensées.


Dans cette recherche, 15 participants recevaient un traitement de 12 mois commençant par de la TCC pendant 4 semaines, à raison d’une séance par semaine. La psilocybine était alors administrée : une dose à la 5ème semaine avec 20 mg /70 kg et une dose à la 7ème semaine avec 30 mg/70 kg. Entre temps et jusqu’au douzième mois, la TCC continuait à la même fréquence.


Il s’agissait de savoir combien des 15 participants de l’étude pouvaient être considérés comme abstinents au tabac, à partir d’informations biologiques lors de tests urinaires et sanguins. Johnson et son équipe se sont également intéressés au ressenti associé à la prise à long-terme de psilocybine pour les participants de cette expérience à l’aide de questionnaires. Les auteurs posent comme hypothèse que plus il y a d’effet de bien-être et un ressenti positif de la prise du médicament moins les participants consomment de tabac.


Résultats ?


Parmi les 15 participants initiaux, les résultats ont montré que lors d’un premier contrôle à 12 mois, 67% étaient abstinents. 86,7%, ont également déclaré que la consommation de psilocybine faisait partie des cinq expériences les plus importantes de leur existence, sur le plan personnel et spirituel. 12 participants ont poursuivi le suivi au-delà des 12mois, et lors d’un contrôle après 16 mois, 60% des participants étaient toujours abstinents.



Avec la thérapie cognitivo-comportementale associée à la prise de psilocybine, 67% des participants étaient abstinents après 12 mois

Il y aurait donc une réduction de consommation de tabac et ainsi un changement de comportement vis-à-vis de la prise de tabac grâce à la psilocybine et à la TCC. Ces deux éléments combinés seraient donc un moyen potentiellement utile pour aider au sevrage tabagique.


Que conclure de tout ça ?


Dans le traitement tabagique menée dans cette expérimentation, la psilocybine semblait utile pour les individus voulant arrêter de fumer. Parmi les limites de cette recherche, nous retrouvons notamment une absence de condition contrôle. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de groupe sans traitement, avec un placebo (c’est-à-dire une pilule sans effet) par exemple, auquel on puisse comparer les résultats. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas être sûrs sur un plan méthodologique que les effets observés ne sont dus qu’au traitement. La participation volontaire à l’expérience est également un travers pour mesurer l’efficacité du traitement dans la mesure où les sujets étaient motivés pour réduire leur consommation de tabac et auraient peut-être eu le même comportement en utilisant un placebo. Enfin le nombre de participant était très faible et cela limite la généralisation de ces résultats.

De plus, la consommation de cette substance peut avoir un effet négatif puisque l’un des sujets rapporte avoir revécu des souvenirs liés à un traumatisme (ce qui évoque un bad trip). Il a dû bénéficier d’un soutien supplémentaire pendant l’expérience.

Les effets bénéfiques de la psilocybine étaient déjà évoqués dans une étude de Johnson et collaborateurs en 2014 spécifiquement pour arrêter la consommation de tabac. D’autres études ont démontré l'efficacité de l’usage de la psilocybine notamment dans le traitement de la dépendance à l’alcool ou encore dans le sevrage des personnes dépendantes aux drogues dures. Cette substance pourrait donc permettre de faciliter le sevrage dans une majorité de troubles liés à la dépendance. Affaire à suivre...



Source principale : Long-term follow-up of psilocybin-facilitated smoking cessation. Johnson MW, Garcia-Romeu A, Griffiths RR. Am J Drug Alcohol Abuse. 2017 Jan;43(1):55-60.





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