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De la keta en infusion pour les patients déprimés

Dernière mise à jour : 19 nov. 2020







Oui oui, tu as bien lu ce que tu as lu !


Pour t’expliquer tout ça et ne pas paraître pour un dingue quand tu vas en parler autour de toi, replaçons d’abord les choses dans leur contexte. La kétamine est un psychotrope (substance qui agit sur la système nerveux central) qui est utilisé comme anesthésique (antidouleur). Il s’avère que depuis mars 2019, elle est commercialisée comme antidépresseur aux USA et de nombreuses études s’intéressent à ce nouveau traitement.


En effet, la kétamine agit sur le circuit dit « glutamatergique » du système nerveux. N’aie pas peur, on va t’expliquer : le glutamate est une des molécules les plus abondantes de ton cerveau, de manière générale elle a un effet excitateur sur tes neurones. La kétamine est simplement une molécule qui actionne le bon levier, et modifie le fonctionnement du circuit du glutamate.


La kétamine est sous les projecteurs ces dernières années en tant que traitement potentiellement révolutionnaire en ce qui concerne la dépression : d’une part, elle agit immédiatement (contrairement au traitement de base qui peut mettre 3 à 4 semaines à agir) et donc réduit très fortement le risque suicidaire initial, et d’autre part, elle offre une alternative très intéressante puisqu’elle utilise un autre réseau neuronal que les traitements classiques pour lesquels 1/3 des patients sont résistants.


La kétamine a donc un effet antidépresseur rapide, qui pourrait rester cependant transitoire. Dans l’étude suivante, la question soulevée est primordiale :




Est-ce que cet effet miraculeux peut persévérer dans le temps ?

Cette fameuse étude a été menée par Philips et collaborateurs de l’université d’Ottawa, et publiée en 2019 dans la revue American Journal of Psychiatry. L’objectif de cette recherche était de déterminer comment utiliser la kétamine en tant qu’antidépresseur dans le long terme.


Ainsi, 41 personnes présentant une résistance aux traitements habituels ont participé à la recherche entre janvier 2013 et décembre 2017. Le protocole est composé de trois phases assez simples : la première avait pour but de déterminer si la kétamine était efficace sur l’humeur dépressive, comparée à un placebo « actif » (car il est facile de faire la différence entre un sucre et de la kétamine dans son sang, du coup le placebo ici avait aussi un effet psychoactif).


La deuxième phase visait à valider l’effet anti dépresseur d’une prise répétée de kétamine (3 fois par semaine pendant deux semaines). Seuls les participants sensibles à la deuxième étape participaient à la dernière, qui consistait cette fois-ci à valider cet effet pour des concentrations plus faibles : une seule prise par semaine, pendant 4 semaines.


Le protocole de cette étude est solide car il est dit « en double aveugle » (le Graal des études scientifiques). C’est-à-dire que personne ne savait ce qu’il y avait dans les perfusions : ni les participants, ni les infirmiers qui injectaient le produit (d’où le « double » aveugle). Ce but permettait de mettre de côté d’éventuels effets placebos.


Les chercheurs ont alors observé, chez des patients présentant une dépression résistante aux antidépresseurs classiques, le maintien des effets de la kétamine en faible quantité et de façon durable.



Les résultats sont probants : la kétamine a un effet net par rapport au placebo, et cet effet perdure dans le temps, même lorsque de faibles quantités sont utilisées


Qu'en conclure ?

Il est donc possible de maintenir l'effet thérapeutique de la keta avec de faibles doses, et ceci à raison d’une seule prise par semaine ! Les participants de cette étude présentaient tout de même une dépression multi-résistante aux autres traitements, donc c’est plutôt intéressant non ? Les résultats ne sont donc définitivement pas à prendre à la légère.


Cependant ne nous emballons pas tout de suite : la kétamine, même dans le meilleur des cas, n’est pas efficace chez tout le monde, cela veut donc dire que certaines personnes seront aussi résistantes à ce traitement. De plus, chaque étude a ses travers : comment évaluer de manière efficace et répétée les symptômes dépressifs ? L’étude présentée montre un effet sur un mois, or, les symptômes dépressifs sont (généralement) présents plus longtemps. Il faudra donc que des études plus longues soit menées.


Qu’en est il des possibles effets néfastes sur la santé d’une prise prolongée et répétée de kétamine ? Et surtout, est-ce que ce traitement permet de guérir d’une dépression, ou s’agit-t-il à nouveau, de prescrire un médicament à vie ?

Bref, oui, la kétamine qu’on connaît tous, c’est de la drogue… Mais comme tu l’as compris, la kétamine peut aussi sauver des vies. Et ça, c’est pas dégueu’ !





Article de référence : Phillips, J. L., et al. (2019). Single, Repeated, and Maintenance Ketamine Infusions for Treatment-Resistant Depression: A Randomized Controlled Trial. American Journal of Psychiatry, 176(5), 401409.




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