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Quand le tabac s'en prend à votre progéniture...

Dernière mise à jour : 31 août 2020


Comment vais-je bien pouvoir dire à ma chère cousine enceinte que fumer représente un danger pour le développement de son futur enfant ? Tout ça sans la culpabiliser ?!






Justement, je la vois ce soir, après mes cours de psychologie sur les psychotropes à la fac, mais honnêtement, j'ai peur de me faire rembarrer ! Heureusement, autour d'un café, c'est Elise qui me demande des nouvelles de ma formation. Je saisis l'occasion pour rentrer dans le vif du sujet et aborder sa consommation de cigarettes.de façon détournée :


« Je viens d'apprendre que les femmes fument moins que les hommes (selon une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé dans 146 pays du monde, 6,1% des femmes fument contre 34,1% des hommes, Who 2018) mais c'est plus difficile pour elles d'arrêter de fumer, car leur organisme n'assimile pas la nicotine de la même façon ; c'est injuste, non ? En plus de cette injustice, ton petit bout risque plus tard de développer des troubles de l'attention et une plus grande vulnérabilité aux addictions, en particulier à la nicotine.»



Les femmes fument beaucoup moins que les hommes, mais c'est plus difficile pour elles d'arrêter de fumer, car leur organisme n'assimile pas la nicotine de la même façon

J'ai captivé son attention sans la blesser : Elise est étonnée et demande davantage d'explications...


« Si tu prends le métro, ou dans la rue, tu as dû te rendre compte que depuis des années, il y a de nombreuses campagnes de prévention sur les effets néfastes du tabagisme sur la mère et le fœtus : et pourtant, les femmes continuent à fumer pendant leur grossesse (20% des femmes en 2015 dans des pays tels que le Canada, le Royaume Uni et le Danemark). Cela serait dû au fonctionnement particulier de leur organisme avec la nicotine, tu sais je t'en ai parlé tout à l'heure, qui ferait que pour certaines femmes, ce serait plus difficile de se libérer de la cigarette que pour les hommes en général.

Dans ce contexte, les scientifiques cherchent à avoir un nouvel éclairage sur les mécanismes cérébraux en jeu lors de la consommation de nicotine prénatale afin de trouver des approches thérapeutiques innovantes susceptibles de diminuer les risques d'hyperactivité, d'inattention et de dépendance accrue aux drogues chez les futurs enfants.»

Une nouvelle étude sur les effets du tabagisme pendant la grossesse


En avril 2019, une équipe dirigée par Polli et Kohlmeier (Copenhague) publie dans la revue « Neuropharmacology » une étude sur les effets de la consommation de nicotine via le tabagisme durant la grossesse : elle met en évidence des conséquence possibles sur le comportement des enfants telles que développement du TDAH, (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité), qui se caractérise par des manifestations d'inattention, d'impulsivité et d'hyperactivité ; et à l'âge adulte, il y a également un risque accru de trouble des addictions.


Pour cela, les chercheurs ont réalisé une série d'expérimentations en laboratoire sur des souris femelles auxquelles ils ont fait boire une solution concentrée en nicotine pendant toute la période de gestation. Ils ont ensuite prélevé les cerveaux des souriceaux afin d' observer au microscope les circuits neuronaux et leur fonctionnement dans une région cérébrale qui s'appelle le noyau tegmental latérodorsal (LDT).


Pour la première fois, leurs recherches révèlent que la consommation de nicotine gestationnelle chez des rongeurs est associée à des altérations des neurones dans le LDT des souriceaux : cela s'exprime par des anomalies des substances chimiques qui permettent la communication entre les neurones, et également des modifications dans leur structure et leur fonctionnement.



Leur recherche montre que la consommation de nicotine gestationnelle chez les rongeurs est associée à des modifications des neurones dans le noyau tegmental latérodorsal


C'est quoi ce "noyau tegmental latérodorsal" ?


Cette zone du cerveau joue un rôle clé dans le maintien de l'attention, c'est à dire chaque fois que tu veux rester concentrée.


Les dysfonctionnements neuronaux dans le LDT ont des conséquences possibles en chaîne sur le fonctionnement d'autres régions cérébrales du cerveau qui peuvent s'exprimer dans l'enfance et aussi à l'âge adulte : ainsi, du fait de ce genre d'anomalie, des enfants dont les mères ont fumé pendant la grossesse pourraient développer des troubles du comportement, de l'attention et dans la gestion des émotions, symptômes que l'on retrouve dans le TDAH. Ils auraient également plus de risques de consommer à leur tour de la nicotine à l'âge adulte.

Et les autres recherches ?


Dans le passé, des chercheurs avaient déjà étudié les effets délétères du tabac sur le fœtus : mais leur attention était focalisée sur les effets néfastes de la nicotine dans les zones cérébrales liée à la récompense. D'autre part, des dysfonctionnements de certaines composantes de certains neurones, qu'on appelle les récepteurs NMDA, avaient été mis en évidence mais surtout dans le cas de troubles neurodégénératifs et psychiatriques.


Aujourd'hui, avec cette nouvelle étude, les scientifiques ont aussi révélé la présence de ces dysfonctionnements des récepteurs NMDA dans la zone cérébrale LDT suite à une consommation de nicotine prénatale.


Cependant, l'ensemble du processus reste encore mal compris. Pour l'équipe de Polli et Kohlmeier, un focus des chercheurs sur ces altérations permettrait sans doute de placer la région cérébrale LDT comme cible thérapeutique potentielle pour des thérapies concernant la toxicomanie et le TDAH consécutifs à l'exposition nicotinique prénatale.


« Mon intention n'est pas de te faire peur Elise, ou de te culpabiliser, mais seulement de te faire partager ces informations concernant des recherches innovantes ! ».


Elise n'est pas fâchée ! Elle trouve ces explications mais elle me fait remarquer que cette étude porte actuellement sur des rongeurs. Elle se demande si ce modèle animal peut être appliqué à l'homme tel quel..


« Pour le moment, nous ne savons pas encore car cette étude a été publiée très récemment (août 2019). Peut être que des études ultérieures se feront sur l'homme, mais on espère que ce sera avec d'autres formes d'expérimentations !!»

Article de référence

Filip S. Polli, Kristi A. Kohlmeier (2019). Alterations in NMDAR-mediated signaling within the laterodorsal tegmental nucleus are associated with prenatal nicotine exposure.



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