top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurSubstance

Le café, premier pas vers l'addiction ?






A nous la potion magique !


À l’image d’Obélix qui, dans son enfance, tomba dans la marmite de potion magique, nous, humains bien réels, pouvons tomber à un moment donné de notre existence dans une potion magique aromatisée au pouvoir excitant. Elle améliore la vigilance, la mémoire, la concentration, le moral et diminue même les risques de développer la maladie d’Alzheimer et certains cancers, bref vous l’avez sans doute reconnue : la caféine.

Si elle se trouvait peut-être déjà parmi les ingrédients mélangés dans la grosse marmite de Panoramix, on la retrouve aujourd’hui plus généralement dans le café, le Coca, les boissons énergisantes, et aussi dans le thé, le chocolat et certains médicaments. C’est simple, la caféine est aujourd’hui la substance ayant un effet sur le cerveau la plus consommée au monde, loin devant la nicotine (tabac), le THC (cannabis), et les autres drogues... Et c’est légal dans tous les pays !

Le café, c’est entre 10 et 15 milliards de dollars d’échanges mondiaux, plus de 2 milliards de tasses de café consommés chaque jour dans le monde, une cotation en bourse à New York pour le café arabica et à la bourse de Londres pour le café robusta et la 3ème production agricole mondiale après la canne à sucre et le riz.


Donnez moi ma dose de caféine !


Malgré tout, la caféine reste, tout comme les autres drogues, un produit disposant d’effets négatifs sur le corps comme sur l’esprit et pouvant créer une accoutumance, autrement appelée effet addictif. Plusieurs études montrent aussi un lien entre consommation de caféine et consommation d’autres substances addictives. Les buveurs de café auraient donc, selon ces études, plus tendance que les autres à se mettre à fumer du tabac, du cannabis ou à boire de l’alcool.


Du coup, devriez-vous ou non reposer la tasse fumante que vous tenez avant qu’elle ne vous précipite tout droit dans Trainspotting ou Requiem for a dream ?


Une nouvelle recherche


Une équipe de chercheurs de l'université de Virginie-Occidentale aux USA menée par Alfgeir L. Kristjansson s'est justement intéressée au lien entre la consommation de caféine et l'usage de substances addictives. Ils ont supposé que la consommation précoce de caféine, qui, on le rappelle, est une molécule contenue dans le café, le thé, certaines boissons énergisantes et sodas, pouvait amener des adolescents à consommer par la suite du tabac, à faire usage de la cigarette électronique, à boire de l'alcool ou à se trouver en état d'ivresse.


Ils ont alors réalisé une étude publiée en 2018 dans la revue scientifique Addiction. Elle s'est déroulée sur un an auprès d'environ 4000 collégiens scolarisés dans les classes équivalentes à la 6ème et 5ème aux USA. Ces collégiens ont été invités à répondre, à un an d’intervalle, à un même questionnaire portant sur leurs habitudes de consommation de produits caféinés, d'alcool, de tabac, d'usage de cigarette électronique et les possibles fois où ils étaient en état d’ébriété.


Résultats ?


Les collégiens de 6ème et 5ème qui, au début de l'étude, consommaient de la caféine, avaient plus tendance un an après, à boire de l'alcool, à être en état d'ébriété, à utiliser des cigarettes électroniques et à fumer du tabac. À l'inverse, l'usage précoce de tabac, d'alcool ou le fait de se retrouver en état d'ivresse n'entraînait pas les collégiens à consommer des produits caféinés un an après, exception faite des jeunes utilisant déjà la cigarette électronique au début de l'étude, qui eux, avaient tendance, 12 mois après, à boire plus de substances contenant de la caféine.


Les collégiens qui consommaient de la caféine au début de l'étude avaient plus tendance, un an après, à boire de l'alcool, être en état d'ébriété, à utiliser des cigarettes électroniques et à fumer du tabac



Comment interpréter tout ça ?

La réponse risque peut-être de vous décevoir. Tout d’abord, gardons en tête que l’étude a été réalisée avec des élèves de 15 collèges situés dans des zones plus ou moins favorisées de Virginie-occidentale aux USA, il faut donc prendre des gants avec ses résultats : ils ne sont pas universels, ne s’appliquent pas forcément à tous les collégiens d’Amérique du Nord, et encore moins aux adolescents de manière générale. De plus, on parle des USA, pays où la consommation de café et de boissons énergisantes chez les jeunes est énorme. En France, peu de chance de trouver une telle consommation chez les collégiens. Pour appliquer les résultats aux français, il serait intéressant de mener une recherche similaire à l’intérieur de l’hexagone.


Parlons également des résultats eux-mêmes : peut-on en conclure que le café, pour cette population précise, cause une augmentation de la consommation d’autres substances addictives et qu’il serait donc bel et bien un premier pas vers l’addiction ? Eh bien, oui et non… L’étude montre effectivement un lien entre la prise de caféine et l’apparition d’autres consommations de substance, mais ne prouve pas qu’il y a un lien de cause à effet entre les deux. On pourrait en effet imaginer que le fait de consommer jeune du café et le fait de commencer plus tard d’autres substances soient deux comportements liés chacun à une même cause cachée, des caractéristiques des participants par exemple, comme leur contexte de vie, social, économique et culturel, des traits de personnalité ou encore des caractéristiques familiales comme une moindre implication et surveillance des parents par exemple.


Ces facteurs pourraient être à la fois à l’origine de la consommation précoce de caféine mais aussi de celle plus tardive d’autres consommations. Dans ce cas là, consommer de la caféine tôt ne serait donc pas risqué en soi, mais simplement un indice du fait que d’autres facteurs de risque réels sont présents.

Nos chers lecteurs un peu plus âgés et friands du petit noir du matin pourront aussi se rassurer de constater que cette étude cible une population jeune pour qui la caféine agit sur des régions cérébrales en plein développement. Ils sont donc plus sensibles et vulnérables que l’adulte, ce qui pourrait faciliter chez eux l'apparition de comportements de consommation de substance et d'une possible dépendance, d'où leur intérêt pour cette recherche.


Pour l’anecdote, les étudiants et le café, c’est une histoire d’amour de longue date ! En 1991 la toute première webcam fut créée dans un but original : permettre aux employés de l'université de Cambridge de vérifier si une cafetière était vide ou pleine, afin qu'ils ne se déplacent pas pour rien.



Source principale : Kristjansson et al. 2018 Does early exposure to caffeine promote smoking and alcohol use behavior? A prospective analysis of middle school students, Addiction, Epub.


D'autres recherches importantes :


Temple, J. L. (2009). Caffeine use in children: What we know, what we have left to learn, and why we should worry. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 33(6), 793–806. doi:10.1016/j.neubiorev.2009.01.001.

Oberstar JV, Bernstein GA, Thuras PD. Caffeine use and dependence in adolescents: one-year follow-up. Journal of Child and Adolescent Psychopharmacology. 2002;12:127–135. doi:10.1089/104454602760219162.


Cauli O, Morelli M. Caffeine and the dopaminergic system. Behavioural pharmacology, 2005;16:63–77.




142 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page