Le protoxyde d'azote, un gaz pas toujours hilarant
- Substance
- 12 août 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 août 2020
Ne riez pas, mourir de rire, c'est possible !
On se retrouve entre potes en soirée autour d'un "proto"... et on se retrouve à l'hosto ou pire ! WTF, que s'est-il passé ?

La faute au protoxyde d'azote, substance légale, facile d'accès et bon marché, de plus en plus populaire chez les jeunes. Elle apparaît comme une drogue drôle, conviviale, et sans danger... Et pourtant son usage n'est pas sans risque : problèmes psychiatriques, conséquences neurologiques graves (atteintes de la moelle épinière et des nerfs), gelures (gaz froid) et jusqu'à des décès par asphyxie. Pas de quoi rire mais plutôt de quoi flipper oui !
Son usage n'est pas sans risque : problèmes psychiatriques, conséquences neurologiques graves (atteintes de la moelle épinière et des nerfs), gelures, et jusqu'à des décès par asphyxie.
Aussi appelé oxyde nitreux aka N2O, il s'agit d'un gaz courant en médecine (anesthésie) et dans l'industrie alimentaire (siphons à chantilly). Détourné par les adolescents et jeunes adultes pour faire la fête, il est alors plus connu sous le nom de gaz hilarant, "proto" ou "ballon". En vente libre, conditionné en capsules métalliques, il est probable que vos amis le transvasent dans un ballon de baudruche. Il ne reste plus qu'à aspirer par la bouche pour s'envoler presque instantanément : euphorie, crises de fous rires, hallucinations visuelles et auditives. Ces effets durent 2 à 3 minutes, incitant à répéter les inhalations lors d'une même prise, ou d'inhaler dans un lieu restreint et fermé pour augmenter l'effet en concentrant la teneur en gaz dans l'air.
Vous pensiez cela anodin ?
Détrompez-vous, de nombreuses études ont montré les dangers liés à sa consommation. Le protoxyde entraîne une baisse d'oxygène et un déficit de vitamine B12, particulièrement toxiques pour le cerveau, la moelle épinière et les nerfs. L'abus impacte particulièrement les jeunes dont le cerveau continue à se développer jusqu'à 25 ans.
Un article paru dans le journal Frontiers in Psychiatry en 2018, relate l'étude menée par des chercheurs de l'Université Kingston à Londres concernant la consommation de protoxyde, la connaissance et la conscience des risques, et les intentions de consommation des jeunes.
Les chercheurs ont interrogé 135 étudiants de 18 à 25 ans, à partir d’un scénario de consommation encouragée par un copain. Ils leur ont demandé ce qu’ils feraient si un jeune de leur âge leur proposait du protoxyde dans différentes situations plus ou moins risquées : copain qui n'a jamais consommé, plusieurs prises en une fois, dans un petit espace fermé. Les questionnaires ont été envoyés de façon anonyme par courrier postal et électronique.
Résultats ?
77,1% des jeunes ont entendu parler du gaz hilarant, et 27,9% en ont pris dans les 12 derniers mois. Parmi eux, la majorité en a pris à plus d'une occasion durant l'année. Ils sont de plus nombreux à avoir l'intention d'en prendre de nouveau dans les 3 prochains mois. Chez les non consommateurs, la probabilité d'essayer dans les 3 prochains mois était également très élevée. Pour la plupart, les étudiants n'étaient pas conscients de la dangerosité du protoxyde. Une fois informée, une forte majorité considère comme extrêmement importante la nécessité d'un message clair informant les jeunes sur les effets et les risques.
Chez les consommateurs tout comme les non consommateurs, la majorité rapporte la facilité d'accès au gaz hilarant, et une très large préférence pour la consommation entre amis plutôt que seuls. La présence d'un jeune du même âge augmente la probabilité d'en prendre, même chez ceux conscients des effets toxiques, y compris dans une situation de dangerosité augmentée (espace restreint et fermé). Certains jeunes ne voient pas le gaz hilarant comme une substance toxique du fait de leur méconnaissance des risques pour le cerveau en cas de carence en vitamine B12. Cette méconnaissance les rend plus vulnérables.
Certains jeunes ne voient pas le gaz hilarant comme une substance toxique du fait de leur méconnaissance des risques pour le cerveau en cas de carence en vitamine B12.
A l'inverse, plus les jeunes sont informés des risques du protoxyde, plus ils partagent ces informations entre pairs, diminuant leur vulnérabilité aux abus, aux effets nocifs, et favorisant une utilisation avec réduction des risques. Jusqu'à présent les études s'étaient penchées sur l'importance de la consommation du protoxyde et ses effets toxiques dans la population générale. Ces articles avaient montré la nécessité de former les soignants à l'identification et la prise en charge de ces patients avec manifestations inhabituelles étant donné les risques en l'absence de traitement. Une substance populaire... puisqu'il fait partie des cinq inhalants les plus utilisés, et la méconnaissance de ses dangers cachés par sa dimension festive et légale. A l'avenir des études devraient se pencher sur les effets d'une consommation fréquente sur le cerveau en développement à cet âge. Bien que cette étude présente des limites (la taille relativement petite de l'échantillon, auto-questionnaire), elle permettra aux professionnels d'adapter leur discours à l'attention des jeunes afin de les informer et les sensibiliser aux effets toxiques du "proto". Et pour vous les jeunes, pour que mourir de rire reste une expression, n'oubliez pas ces risques. Les connaître vous rend plus aptes à protéger votre propre santé physique et mentale, et aussi celle de vos copains en partageant avec eux cette connaissance et pas seulement "un ballon" ! Source principale : Ehirim, E. M, Naughton, D. P., Petróczi, A. (2018). No Laughing Matter: Presence, Consumption Trends, Drug Awareness, and Perceptions of “Hippy Crack” (Nitrous Oxide) among Young Adults in England. Frontiers in Psychiatry, 8:312.
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