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Et si la MD te rendait impulsif...


La MDMA pourrait-elle influencer mes décisions ?


Mais d'abord, c'est quoi la prise de décision ? C’est un processus complexe qui a lieu dans notre cerveau, et qui consiste dans l’analyse de l’ensemble des conséquences associées à une décision, afin de sélectionner celle qui correspond le mieux au but recherché. Vous vous demandez sûrement pourquoi je me suis mis d’un coup à m’intéresser à cette notion scientifique un peu barbare. La raison est simple : depuis que je prends de la MDMA (méthylène-dioxy-métamphétamine pour ceux qui aiment les mots compliqués), une drogue de la famille des métamphétamines qui agit sur le cerveau en augmentant l’empathie et la sensation de bien-être, j'ai l'impression de devenir super impulsif !




La semaine dernière par exemple, je me disais que j’aimerais bien me mettre à la musique, et je suis allé acheter la guitare de Jimi Hendrix le lendemain. J’ai essayé d’en jouer pendant une heure en regardant des tutos, j’ai compris que je ne serais sûrement jamais Jimi, du coup je l’ai revendue sur Ebay dans la foulée ! Bon… ça m’a quand même fait réfléchir après coup. J’avais pas hyper envie d’aller voir un psy, alors je me suis dit que je pourrais aller voir des spécialistes du cerveau à la place, pour qu’ils m’expliquent ce qui se passe.


Ça tombe bien, les scientifiques ont de quoi m’aider à comprendre comment la MDMA pourrait modifier le fonctionnement de mon cerveau au-delà de ces moments où je me sens amoureux de la terre entière. Grâce à l’Imagerie par Résonnance Magnétique Fonctionnelle (IRMf), on peut aujourd’hui observer l’activité du cerveau ! Des études menées avec l’IRMf ont montré que l’activité de deux régions était modifiée lors de la consommation de méthamphétamines : le cortex préfrontal et le striatum.



La prise de MDMA modifie l'activité de deux régions du cerveau notamment, le cortex préfrontal et le striatum


C'est quoi ces régions ?


De ce que j’ai compris, le cortex préfrontal est spécialisé dans l’évaluation de ce que va entraîner une décision qu’on prend, comme le plaisir ou les conséquences négatives, et le striatum met en place les comportements en lien avec cette évaluation. Là où ça devient subtil, c’est que ces structures fonctionnent ensemble et forment le circuit du plaisir : le système de récompense. C’est un système très sympathique du cerveau, puisqu’il nous délivre de la sensation de plaisir, mais le boss du système nous complique un peu la vie, vu qu’il nous délivre ce plaisir si recherché que quand il estime que nos comportements le méritent.

Donc en gros, mon cortex préfrontal évalue si une décision va me donner du plaisir, et le striatum déclenche l'action pour stimuler le système de récompense, et là, c’est le bonheur ! Ce cher système ne jouerait-il pas un rôle dans ces vagues de plaisir ressenties lorsque je prends de la MDMA ? Effectivement, la plupart des drogues agissent principalement sur ce système lorsqu’elles augmentent la sensation de bien-être. Mais le cerveau n’a pas tout à fait été conçu pour recevoir de la MDMA : parce qu’il s’habitue à ce niveau de plaisir, il se met à en rechercher tout le temps ! Ne serait-ce pas pour ça que je deviendrais de plus en plus impulsif dans mes décisions ?



Une nouvelle recherche


Une étude intéressante a été publiée dans la revue Jama Psychiatry en 2014 par l’équipe de Kohno et collaborateurs de l’université de Californie-Los Angeles. Afin de comprendre les mécanismes pouvant influencer la prise de décision inadaptée chez les consommateurs de métamphétamines, les chercheurs ont étudié l’activation du cortex préfrontal et du striatum au cours d’un examen IRMf. Lors de l’examen, les participants devaient gonfler un ballon en cliquant sur un ordinateur. Chaque gonflement leur rapportait de l’argent, et ils avaient systématiquement le choix de continuer à gonfler et gagner plus d’argent, ou d’arrêter et encaisser la somme affichée. Cependant, ils étaient avertis que les ballons pouvaient éclater à tout moment et annuler les gains, et que l’argent encaissé leur serait remis à la fin de l’étude. 53 participants ont été recrutés et répartis dans 2 groupes : 25 consommateurs de métamphétamines, et 27 participants n’ayant jamais consommé de métamphétamines.

Résultats ?


Les analyses de cette étude ont mis en évidence que : (1) les non-consommateurs ont gagné en moyenne plus d’argent ; (2) la prise de décision risquée entrainait une activité plus importante du cortex préfrontal chez les non-consommateurs et du striatum dans le groupe consommateurs.


Si vous trouvez que ça fait beaucoup d’informations pour votre cerveau, ne vous inquiétez pas, c’était le cas pour moi aussi ! Mais vous allez voir que ce n’est pas très compliqué non plus. En résumé cette étude nous montre ce qui peut se passer de différent dans le cerveau des consommateurs de métamphétamines quand ils prennent des décisions.



Les consommateurs ont une activité plus importante du striatum et moins importante du cortex préfrontal lors de la prise de décision risquée



Figure 1 : Schéma du protocole où les participants devaient gonfler le ballon. Ils avaient donc le choix systématiquement avant de gonfler le ballon : A) de continuer à gonfler avec le risque que le ballon explose, B) d’encaisser l’argent récolté au cours des gonflements précédents. Alors ça veut dire quoi ?


En fait, il faut considérer que, de manière générale, le striatum et le cortex préfrontal interviennent à des niveaux différents de la prise de décision. Le striatum nous oriente vers les actions qui présentent la plus grande valeur : qui est ici le gain potentiel d’argent. L’activation du striatum va donc nous amener spontanément à gonfler pour avoir plus d’argent. Le cortex préfrontal agit en complément de cette information en évaluant les conséquences associées à ce comportement. Donc en plus d’évaluer la valeur de la récompense, il va renseigner le cerveau sur la prise de risques associée à cette action. L’exercice que devait réaliser les participants est complexe, puisque plus le risque augmente, plus les gains potentiels augmentent. C’est donc grâce à la prise en compte de ces deux conditions que l’on va pouvoir prendre la meilleure décision pour gagner un maximum d'argent, à savoir continuer à gonfler ou encaisser les gains. L’étude nous renseigne donc sur un élément important dans la prise de décision chez les consommateurs de métamphétamines. Une activation supérieure du striatum, dans un prise de décision risquée, entraine un raisonnement pensé à court terme : en continuant de pomper, ils gagnent plus d’argent, et la sensation de plaisir est plus grande. Le cortex préfrontal devrait lui jouer le rôle de frein dans ce raisonnement, et prendre en compte les risques associés au fait que le ballon peut exploser lors d’une pompe supplémentaire en entrainant la perte de l’argent cumulé. Du coup, si on fait une petite image de tout ça, le cortex préfrontal est l’ange de la raison, et le striatum le petit démon du plaisir, et chez les consommateurs, le petit démon a pris le pouvoir ! Donc si je résume avec ma propre histoire, mon striatum m’aurait peut-être poussé à aller acheter la guitare de Jimi Hendrix parce que mon cerveau se voyait déjà sur scène devant des millions de personnes. Pour mon système de récompense, c’était le pied ! Et mon préfrontal n’a pas eu son mot à dire, vu que si je lui avais demandé son avis, il aurait beaucoup plus analysé la situation, et aurait pu me dire que la probabilité que je joue de la guitare comme lui en une heure en regardant des tutos était à peu près égale à celle de gagner au loto (1 sur 19 millions à peu près…) ! Il m’aurait donc certainement amené à reconsidérer l’idée que je pouvais être Jimi Hendrix… Alors que normalement, les scientifiques m’ont expliqué que le cortex préfrontal agit également à long terme sur le striatum quand à la mémorisation des comportements adaptés aux différentes situations. Le problème de la MDMA, c’est qu’elle va dérégler ce système, ce qui nous amène à privilégier des actions qui ont une grande valeur sans en évaluer les risques, et donc être impulsifs dans nos comportements !


Et les autres recherches ?


Les études avaient déjà montré auparavant que la consommation de substances entrainait des changements biologiques responsables de la dépendance. Avec cette étude, on pense aussi maintenant que d’autres changements interviennent au niveau des décisions qu’on va prendre, et au-delà de celles liées à la substance ! Bon, les chercheurs qui ont réalisé l’étude précisent tout de même que ce qu’ils ont observé avec l’IRMf ne représente pas directement toute la séquence d’une prise de décision, mais quand même, leurs résultats sont forts ! Je vous avoue que ça fait drôle d’être spectateur de ce qui se passe au niveau de son cerveau. Mais j’étais quand même content de comprendre un peu plus ce qui se passait là-haut… et j’ai décidé de prendre une grande décision : et si je revisitais un peu ce que je cherche dans ce que je fais ? Je vous laisse, j’ai mon préfrontal qui veut que je médite un peu là-dessus 😉 Source principale : Kohno et al. 2014 Risky decision making, prefrontal cortex, and mesocorticolimbic functional connectivity in methamphetamine dependence. JAMA Psychiatry. 2014 Jul 1;71(7):812-20.


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