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Stéroïdes : échange biceps contre cortex






« La gonflette : Tout dans les bras, rien dans la tête » : nous avons tous déjà entendu ce stéréotype sur les personnes qui passent un peu trop de temps à la salle de sport. On le sait, les personnes qui prennent soin de leur musculature en rendent plus d’un envieux, ou prêtent à sourire.


Malheureusement cultiver régulièrement son corps est un effort ingrat qui demande un sacré paquet de temps, d'énergie, et de persévérance. Il est tentant alors de chercher à accélérer le processus en prenant des raccourcis. Parmi les options magiques, il existe une sorte de potion magique : les stéroïdes anabolisants !



Les stéroïdes anabolisants, qu’est-ce que c’est ? Et bien ce sont des molécules hormonales dans laquelle on retrouve de la testostérone. Ces molécules sont utilisées dans le sport pour augmenter la taille des muscles. Ce produit augmente la confiance en soi, développe la masse musculaire et donne de l'énergie. Alors pourquoi s'en priver ?


Et bien parce que, comme beaucoup de produits, celui-ci peut rapidement devenir addictif. « Et alors ?! » me direz-vous. Minute papillon ! Zoomons un peu à l’intérieur d’une tête et regardons quels effets cela peut avoir sur notre cerveau.

La recherche menée par Lisa E. Hauger de l’université d’Oslo et ses collaborateurs, en 2019, publiée dans le journal Addiction s’intéresse aux effets de l’addiction aux stéroïdes. Pour cela elle compare les différences de taille du cerveau et ses régions chez des individus consommateurs de stéroïdes dépendants et non dépendants à ce produit.


Les participants à cette étude sont donc tous consommateurs de stéroïdes, ou l’ont été à une époque. Chacun passe une Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), qui est une technique pour mesurer la taille des différentes régions du cerveau. Ici, elle nous aide à observer la surface et l’épaisseur cérébrale.


Les participants, lors d’entretiens, remplissent ensuite des questionnaires pour déterminer leur dépendance aux drogues et les problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux auxquels ils font face. Ce qu’on remarque c’est que le groupe dépendant prend des stéroïdes depuis plus longtemps, et de façon plus régulière, en plus de consommer d’autres drogues ou des antidépresseurs. Des effets secondaires sont remarqués chez les personnes dépendantes : Ils sont plus touchés par la dépression, et manifestent des problèmes de mémoire, d’attention et des comportements agressifs.



Résultats ?


Les personnes dépendantes présentent un cortex préfrontal plus mince que les consommateurs non-dépendants. Cette région du cerveau joue un rôle dans l’autorégulation de soi (le contrôle de son propre comportement), la flexibilité mentale (le fait de s'adapter aux difficultés par exemple), l’attention. Pour être plus clair, cette partie du cerveau nous aide à nous adapter aux situations sociales, c’est elle qui va nous empêcher de chanter à plein poumon au beau milieu d’une réunion, ainsi que dans toutes les tâches de réflexion. Ces changements peuvent expliquer le comportement addictif et l’agressivité chez les sujets dépendants.




Les personnes dépendantes aux stéroïdes avaient un cortex préfrontal plus mince que les consommateurs non dépendants


Et les autres recherches

En fait, tout ceci n’est pas étonnant. Ces modifications cérébrales ont déjà été observées dans le cas d’autres dépendances. Attention cependant à ne pas faire de conclusions trop hâtives. Certains biais sont à prendre en compte dans cette étude. D’abord certains liens de causalités restent en suspens. L’origine réelle de ces dommages cérébraux est peut-être tout autre que la dépendance aux stéroïdes : la prise d’autres drogues ou d’antidépresseurs ; des troubles affectant le cœur et les vaisseaux sanguins dû à la prise de stéroïde ; ou bien des antécédents médicaux d’ordre psychologiques ou neurologiques, sont autant de causes possibles aux modifications cérébrales.


De plus, des études faites précédemment indiquaient que les troubles de l’humeur, tel que l’agressivité, retrouvés dans la prise de stéroïdes sont davantage dus aux stimulants associés au produit qu’aux stéroïdes eux-mêmes. L’utilisation d’autres outils, tel que des échographies cardiaques, ou des informations supplémentaires sur les participants pourraient nous renseigner davantage sur leurs antécédents, et la cause des différences entre les personnes addictes et non addictes aux stéroïdes.


Mais alors comment des sportifs sont-ils amenés à tomber dans cette addiction ? Des études antérieures ont démontré que le dopage est souvent associé à la peur de l’échec. L’envie de rendre son corps mieux formé et plus attirant est également souvent associé au fait de séduire, la séduction ayant un rôle de préservation de l’espèce. Pourtant, d’autres études ont également montré que des dysfonctionnements hormonaux surviennent lorsque la prise de stéroïde est interrompue, pouvant mener à la stérilité du consommateur. Sacré paradoxe !


Alors reprenons depuis le début. Gros biceps, petit cortex ? Ce n’est donc pas si simple ! Ne rentrons pas dans le stéréotype. La recherche sur laquelle nous nous appuyons ne montre aucunement que le grossissement des muscles d'un homme va de paire avec une réduction de son intelligence. L'addiction aux stéroïdes, en revanche, a sans doute une incidence sur la capacité intellectuelle de l’homme. Elle altère aussi certaines fonctions cérébrales et émotionnelles. Alors maintenant nous le savons, nous pouvons avoir un corps bien sculpter et un cerveau bien formé à la fois. Et avec les stéroïdes, attention aux effets secondaires !


Source principale : Hauger et al. 2019 Structural brain characteristics of anabolic-androgenic steroid dependence in men. Addiction Aug;114(8):1405-1415.


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